
Yolande Larabé, 80 ans
Val-d'Or (anciennement Moffet)Depuis la mort de son mari, alors qu’elle était au milieu de sa vie avec 4 enfants, Yolande est un parcomètre. Droite comme un poteau. Fiable et fière. Un repère immuable dans un centre-ville qui a besoin d’ordre. Une femme antirouille de maintenant 80 ans, mais qui en paraît bien moins. La fille des contraventions à parcomètres de Val-d’Or pendant près de 25 ans, c’était elle. À vivre parmi les parcomètres, elle en est devenue un.
Le passage des saisons n’a pas de prise sur un parcomètre et les crises des retardataires non plus. C’est un poteau du temps qui n’est pas là pour vendre une idée mais bien pour que les gens circulent sans s’encrasser durant une éternité en face d’un commerce. Prenez le temps de regarder la structure en face. Premièrement, on voit tout de suite une femme à cause de ses formes courbes… Deuxièmement, on décèle dans le design une forme de sourire. C’est tantôt le sourire gêné du « dommage, je peux rien faire pour toi… tu t’es mis dans le trouble » et tantôt le sourire utile face à une « crise de bacon » d’un retardataire colérique : « Des contraventions, j’en donne juste à ceux qui en veulent. Les autres, ils mettent 0,25 $ dans la fente ! Hahaha ! »
Le plus intéressant dans ce que vous devriez faire en face d’un parcomètre, c’est de vous approcher, de vous descendre un peu et de tendre l’oreille pour écouter par la craque à 1$. Si le trafic est faible et peu bruyant, vous pourrez entendre des vieilles chansons à répondre et des complaintes maritimes bretonnes. Des grandes mélopées qui parlent d’un autre rapport au temps que celui des 30 maigres minutes qui vous sont imparties. Oui, les temps qui s’allongent dont seules les vieilles traditions orales savent passer le mot. Ça parle de corps retrouvés au large avec des bouts de tricots de laine d’amour, de désespoirs de veuves beauceronnes éprouvées par le feu, d’invitations vives à bâtir une maison au bord du petit lac Rond. Vous comprendrez alors qu’on a tort d’être froid et distant avec ce mobilier urbain qu’on néglige du regard. Rarement caressés, souvent secoués, les parcomètres aussi rêvent qu’on les prenne dans nos bras. Les nuits de froidures de novembre n’ont d’égales que les envies des parcomètres de chanter et de voir quelqu’un s’y adosser pour partager sa chaleur un instant, pour peu qu’on veuille l’entendre. Un parcomètre, c’est une boîte à chanson qui attend votre 0,25 $ pour chanter des complaintes durant 20-30 minutes. Vous n’aviez pas remarqué?





