Réal Dostie et Lisette Arpin, 71 ans

Rouyn-Noranda (Évain et anciennement Ville-Marie)

Mais voulez-vous bien me dire qu’est-ce qui peut battre le moment où tu te retrouves collé en cuillère, mari et femme, au camp de chasse dans le fin fond du bois durant une semaine par année ?  Presque nus dans le sleeping bag, dans un shack grand comme ma main où on voit dehors par les craques. C’est un imbattable moment de plénitude, de détente et d’amour véritable où rien ne nous dérange. Dans le quasi-silence de la nature, Réal et Lisette en ont fait l’expérience durant des dizaines d’années. Pas de travail et pas rejoignables…. « – Chuuuttttt !   Lisette! As-tu entendu? – Quoi? – Le bonheur vient de cogner à la porte!»

À vol d’oiseau, l’Abitibi-Témiscamingue est saupoudrée de petits points. Des camps de chasse par milliers où abondent les chasseurs aux techniques raffinées, mais surtout les amis de longue date qui viennent souder leurs liens par une expérience qui ne s’explique que trop mal, puisqu’elle ne peut que se vivre. C’est sans compter les amoureux qui se retrouvent loin des tracas de la ville, des enfants, du travail et des obligations lourdes, pour se reconnecter à l’essence de ce qu’ils sont comme couple. Deux personnes qui se choisissent, année après année, pour poursuivre leur chemin ensemble. Un camp de chasse, c’est encore mieux qu’un chalet. C’est un cocon minimaliste où seule la vérité franche a de la place sans possibilité de fuite. Et quand un Réal et une Lisette s’y rencontrent, ça veut dire tout l’amour du monde. En 2009, après un bec sur l’épaule et la lecture d’une bonne blague issue du livre de chasse publié par Réal, Lisette, par un soir frais, sort du sleeping bag, ajoute une bûche dans le poêle et tend la main à son Réal. Ce dernier se lève et aussitôt elle place doucement dans sa main gauche, la sienne et ensemble, ils entament leur danse favorite. Une valse lente sur un air fredonné a capella par Réal. Leurs pieds effleurent à peine le sol. La pièce est juste assez grande pour valser tranquille, au point où on la croirait faite spécialement pour cela. Les deux se regardent droit dans les yeux et leur souffle chaud leur balance leurs meilleurs souvenirs à la tête. Les souvenirs de professeurs experts de danse sociale au Témiscamingue, ils ont vécu jusqu’à l’apothéose du spectacle de Ville-Marie 1980 faisant danser 1800 personnes dans la clameur populaire. Quelque part sur la terre, un couple s’aime, se sourit, s’embrasse, se fait bientôt l’amour passionnément, bruyamment, sans l’ombre d’un souci.

Au retour en ville, Réal et Lisette se font rappeler à chaque fois par la vie que le camp de chasse, c’est une soupape de secours, un exutoire, un mur des Lamentations, un spot qui nous repart en neuf pour une année. En Abitibi-Témiscamingue, le Nouvel An commence souvent à la mi-octobre bien plus qu’au début janvier.