
Raynald Dufour, 66 ans
Notre-Dame-Du-Nord et Rouyn-NorandaRaynald fut 8e d’une famille de 11 enfants, né d’un père bûcheron et libéral qui critique la mainmise du clergé sur le peuple québécois.
Comme ses frères trop chétifs pour devenir bûcherons, son prix de consolation est d’aller faire des études.
C’est un très bel adon, car Raynald aime apprendre: apprendre tout et son contraire, pour être un libre penseur.
Raynald a décidé d’aller étudier dans la matière où il excelle : la chimie !
Après ses études, il devient professeur à Sudbury, puis à Rouyn-Noranda pour un an au Séminaire Saint-Michel. Il s’est épris de cette ville ensuite en disant que « par la porte d’en avant, on est en ville. Par la porte d’en arrière, on est en campagne. »
Il est marqué par un français qui disait à la radio un jour : « On n’a pas le droit d’être heureux tout seul. Il faut en faire profiter aux autres. »
Raynald commence bientôt à côtoyer des curés inspirants et l’évêque de Rouyn-Noranda au moment où les églises deviennent peuplées de cheveux blancs.
Raynald veut devenir un agent de réconciliation dans la société. Il veut faire du bien. Il veut devenir prêtre.
Devenir prêtre demande des sacrifices importants, et il croyait que les gens autour le découragerait et le dissuaderait d’entrer en prêtrise. Il est déchiré intérieurement. Surprenamment, les gens l’encouragent. Il sent alors, en termes ignaciens, un apaisement au fond de lui, un calme intérieur lorsqu’il a arrêté de lutter contre son désir de devenir prêtre. C’est cela, sentir l’appel.
Raynald sait qu’il nage à contre-courant d’une société qui met à distance la religion catholique.
Raynald décide de devenir crédible par ses actions et plutôt que par sa fonction.
Le jour où il devient officiellement prêtre, son premier geste est d’aller offrir une messe en prison pour les détenus.
Il affirme que le Clergé catholique a commis des atrocités dans le passé et « qu’il a du sang sur les mains », mais que c’est cela qui le rend humain et perfectible, et que c’est sur cette histoire parfois sale qu’il doit construire en assumant son passé.
Raynald sait parler aux gens, les écouter et leur apporter matière à réflexion, mais tout en les laissant maîtres de faire ce qu’ils veulent. Il croit que la liberté de penser et le libre arbitre sont parmi les choses à conserver à tout prix, en toute conscience humaine.
Raynald, en donnant des cours à des jeunes, a senti bientôt qu’il avait beaucoup de panache, mais peu de racines.
Il s’est fait donner une paroisse à s’occuper, avec plaisir.
Raynald est donc resté célibataire, nécessairement sans enfants.
Raynald s’est trouvé père spirituel de milliers d’enfants et d’adolescents… ceux des autres, mais sans avoir à changer une couche.
Raynald a pris le temps de voyager et de lire.
Il a tout vécu avec l’intensité que réclamait le moment.
Son endroit préféré, c’est toujours là où il est.
Il ne retournerait pas revivre ne serait-ce qu’une journée de sa vie, parce qu’il vit le présent.
Raynald est en train d’apprendre à être inutile. Être inutile comme un phare côtier en plein jour et par temps calme.
Raynald voit cela d’un bon œil, car il sait qu’un jour quand le Québec ira plus mal qu’aujourd’hui, on aura besoin de lui. Il répondra : présent!
Raynald vit une inutilité active et pertinente socialement.
Il aide moralement des individus de tous âges à traverser toute sorte d’épreuves personnelles et cela lui va très bien.
Il donne des coups de main quotidiens, comme des bouteilles lancées à la mer. Son aide est parfois reçue d’une manière plus marquante que l’impact banal qu’il imaginait. Parfois pas.
Raynald se voit comme la case vide d’un jeu où on doit déplacer les pièces pour les remettre dans l’ordre. Il est la case vide qui permet le mouvement.
Raynald a le sens de l’image qui frappe l’imaginaire. Le sens du symbole.
Raynald a horreur de l’indifférence face au sort des migrants, des morts injustes et des génocides.
Il y voit des frères et se considère comme un migrant de l’intérieur.
Il aime aller à la rencontre de l’Autre. Ça lui permet notamment de mieux aller à la rencontre de lui-même.
Il considère que l’amour est parfois subversif et apporte au cœur de l’homme la responsabilité du bonheur des autres.
Raynald croit que collectivement, on est dû pour retrouver et réinventer des lieux de silence.
Il croit que la solitude est saine et permet d’aborder notre continent intérieur. Notre identité personnelle.
Il croit que l’esseulement est la mise à l’écart de quelqu’un par les autres, et que cela est néfaste.
Il croit qu’il serait intéressant que les jeunes découvrent plus tôt que tard dans le monde électronique les avantages d’une solitude retrouvée et assumée.
Raynald a développé une cohérence dans sa façon de voir le monde. Sa sagesse et son sens du discours m’impressionnent. Il a des clés de compréhension des mécanismes du cœur de l’Homme pour quiconque daignerait ralentir son propre pas et aller à sa rencontre.





