PRÉAMBULE ET INTRODUCTION
PARTOUTPréambule
Vous voici avec, en main, le fruit d’une collaboration entre un artiste, un organisme régional, des partenaires privés, des dizaines de familles et 160 aînés. Ce travail de longue haleine mérite de vous préciser quelques éléments à connaitre, avant de commencer votre lecture.
Le titre du projet et du livre est « Aînés d’exception ». Or, le but n’était pas d’aller chercher seulement des aînés très connus à qui on doit de grandes réalisations collectives, de la région d’Abitibi-Témiscamingue, mais aussi une foule de gens qui ont agi dans l’ombre, au sein de contextes d’exception, dans des sphères d’influence plus restreintes. Ces derniers ont beaucoup à gagner à se faire connaître, par des moments forts de leur vie qui portent des messages passionnants à découvrir, pour la suite du monde.
Si certains se voient déçus de ne pas avoir été contactés pour y participer, sachez que le processus fut transparent. Les personnes furent choisies par référencement, lors d’un grand appel à tous en avril 2018. En effet, suite à des articles dans les journaux, à un passage à la télévision régionale et dans les principales radios, en tant que coordonnateur du projet, j’ai cumulé près de 120 noms. Toutefois, même si une grande majorité de ces gens ont été interviewés, pour des contextes de gêne, d’incapacité, d’horaires incompatibles ou d’impossibilité de trouver les bonnes coordonnées, quelques-unes de ces 120 personnes n’ont pu être rencontrées. Dans un deuxième temps, j’ai trouvé à compléter la liste par référencement verbal en cours de projet, en plus de quelques coups de cœur que je me proposais de retourner voir. Au total, le 2/3 des gens vus étaient complètement inconnus de ma part au début du projet.
Sachez que toutes les personnes rencontrées dans le cadre d’Aînés d’exception ont fait l’objet d’un texte écrit de ma plume dans ce livre. Aucun individu ne méritait que je retranche son texte ou, pire encore, que je ne compose rien, après avoir passé des heures à l’entendre parler généreusement de sa vie pleine de rebondissements.
Somme toute, le hasard a bien fait les choses puisque la représentation homme/femme est relativement bien répartie dans cet ouvrage. Parlant de représentativité, un souci d’équité entre les territoires des 5 MRC de la région a fait en sorte, qu’après avoir passé la première vague de référence, je me suis attardé à amasser davantage de noms dans les territoires moins bien représentés. Par contre, ce qui complique l’opération est le fait que beaucoup de gens ont été mobiles durant leurs vies et m’ont donc parlé de deux ou trois territoires au sein desquels ils ont agi, rendant difficile la tâche de tirer une ligne sur un nombre de personnes, vues par territoire de MRC. Ils sont toutefois classés dans ce livre par leur lieu de résidence actuelle.
Également, je suis allé à la rencontre de plusieurs communautés autochtones pour avoir des aînés des Premières Nations. Le souhait était d’en voir au moins 15, mais la réalité m’en a fait voir sept. L’énergie déployée pour arriver à en rencontrer fut considérable, et les obstacles furent malheureusement nombreux : problèmes au niveau de la langue, puisque que je ne suis pas très doué en anglais; problèmes de prise de rendez-vous ou de retours d’appel; problèmes démographiques, puisque les aînés autochtones semblent décéder plus jeunes que les allochtones; réticence à faire confiance à un intervieweur allochtone; et problèmes de temps en bout de piste, pour m’occuper convenablement des autres portions du projet. Il reste que les autochtones rencontrés furent très touchants et exceptionnels dans leur témoignage. J’en retiens aussi qu’il est plus aisé de trouver un moyen de voir des aînés autochtones en milieu urbain que sur une réserve.
Au niveau du contenu, même si je suis un conteur professionnel connu pour ses contes et légendes, ne vous méprenez pas sur le style littéraire. Ce sont davantage des récits de vie, des tranches de vie, des anecdotes savoureuses ou carrément des nouvelles littéraires, un peu romancées que j’ai écrites. Peu de textes sont des légendes, bien que je me suis plu à me lancer dans des exercices littéraires pour faire varier la forme de ce que je vous livre, puisant même dans l’éditorial et le biais humoristique. À chaque fois, j’avais en tête de rendre hommage. Toujours je me suis appuyé sur les faits relatés verbalement, par les gens rencontrés. J’y ai ensuite mis mon angle de vue et ma manière de conclure. Souvent, la sagesse que je voyais émaner de leur propos me sautait au visage et me faisait terminer les textes par une réflexion. Bref, j’ai fait un travail à mi-chemin entre l’art pur et l’œuvre journalistique de reportage et d’archives.
Une chose est certaine, c’est que je me suis fié à ce que m’ont dit les aînés rencontrés. Si les dates sont inexactes ou que je vous semble attribuer du mérite indûment à quelqu’un, c’est que je n’ai pas été fouiller sur chaque sujet précis, à une multitude de sources. Le temps m’aurait manqué cruellement, et ce n’est pas non plus le but premier de ce projet. Il se peut aussi que quelques erreurs historiques proviennent de moi, puisque vous comprendrez qu’à rencontrer 160 personnes durant une demi-journée chacune, en plus d’une réécoute partielle des enregistrements et d’une composition de 2h30 en moyenne par texte, j’ai sûrement échappé certains détails. Par exemple, j’ai probablement octroyé à une dame d’avoir eu 10 enfants dans les années 40, alors qu’elle en a eu 9, ou autres éléments du même acabit. Pardonnez-moi d’avance.
À cause de l’emploi fréquent d’un niveau de langage familier, notamment pour citer des gens, les anglicismes ne sont pas mis en italiques, sauf lorsqu’il s’agit de termes spécialisés. Ils sont fondus dans le texte, sans quoi la lecture aurait été trop alourdie. Mon amour pour le français et les variantes québécoises n’est pas moins grand, mais dans cet ouvrage qui s’attarde à un héritage transmis oralement, c’est un compromis qui doit être fait.
Aussi, je souhaite à tous que vous osiez vous dérouter un peu. Après avoir pris connaissance des écrits à propos des gens que vous connaissez bien, allez explorer les textes de gens qui vous semblent de parfaits inconnus. Quelques-uns méritent un éclairage par ce livre et vous trouverez là de quoi vous surprendre et vous donner le goût de voyager, ne serait-ce que le temps d’une lecture.
Lorsque les ainés rencontrés furent d’accord (à 90%) pour archiver leur témoignage, les entrevues qui furent enregistrées en audio ont été récemment déposées pour consultation à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Rouyn-Noranda et dans les sociétés d’histoires locales. Parfois, des segments ont été retranchés selon les volontés des aînés, en fin d’entrevue. Étant donné le contenu jugé plus sensible ou sujet à discorde, je me suis réservé le droit de me retenir d’en déposer certains ou de les déposer seulement lorsque les principales personnes citées seront décédées. S’il advenait que le décès d’une personne interviewé survienne, les descendants ont tout le loisir de m’interpeller pour en recevoir une copie en version informatique, bien entendu, dans les cas où cela est possible. Au moment d’écrire ces lignes, déjà 5 personnes interrogées sont décédées en cours de projet, avant la publication du livre. Plusieurs familles ont donc eu accès à l’audio et au texte à l’avance, faisant en sorte de mieux passer à travers les étapes de leur deuil. L’archive prend donc une valeur plus grande encore avec le temps qui passe.
Prenez note qu’il existe une version audio (lue par moi-même) de la plupart les textes d’ainés de ce livre. Elles sont entièrement sur le site internet www.guillaumeconteur.com, dans l’onglet « Aînés d’exception ». Vous n’avez ensuite qu’à cliquer sur le nom d’une personne et vous accéderez directement à la page, pour entendre la version audio du texte. Vous pouvez aussi partager facilement sur Facebook cette version audio afin de la faire circuler à votre entourage ainsi que télécharger l’enregistrement, pour la conserver dans vos archives personnelles ou familiales. Tous les textes audios sur le site internet sont gratuits.
Finalement, il m’est possible de poursuivre l’aventure en quelques sorte, même si le projet se termine officiellement avec les lancements du livre, ainsi que la série de spectacles (pour enfants et pour adultes). En effet, il m’est possible, moyennant un certain cachet à convenir ensemble, de réaliser une entrevue auprès d’un aîné, suivi de la composition d’un texte de mon cru sur la vie de la personne, en guise de préparation à une fête, un préarrangement funéraire ou autre. Libre à vous de me contacter. C’est un des services que j’offre maintenant à titre de conteur professionnel en plus des spectacles plus classiques.
Sur ce, bonne lecture!
-Guillaume Beaulieu
Conteur et auteur de ce livre
Introduction
Quelle ampleur! Que de kilométrage! Que de révélations! Quelle générosité!
À l’été 2017, je lançais une communication à l’effet que j’étais intéressé à me lancer dans des entrevues qui conduisent à réaliser des « Bilan de vie » et ce, partout en Abitibi-Témiscamingue. Cette nouvelle corde à mon arc de conteur professionnel, je l’ai travaillée intensément suite à une longue série de contrats, de concours de circonstances et le lancement d’un projet pilote. Soudainement, la Table de concertation des personnes aînées de l’Abitibi-Témiscamingue me lance un coup de fil, se disant intéressée à déposer un projet où je serais à l’œuvre partout dans la région. Notre échange a débouché quelques mois plus tard, sur une demande de subvention au Secrétariat aux aînés du Gouvernement du Québec (programme Québec amis des aînés). Le projet non seulement prenait forme dans nos têtes, mais lorsqu’il a obtenu une réponse favorable, il prenait aussi place dans nos agendas et le concret du vécu régional. D’ailleurs, la Table régionale de concertation des personnes aînées de l’Abitibi-Témiscamingue et moi, nous tenons à remercier le ministère de la Santé et des Services sociaux pour sa contribution financière qui permet d’adapter les milieux de vie aux réalités des personnes aînées et de favoriser leur participation au développement de leur communauté.
Le but de base du projet est de contrer la maltraitance envers les aînés par le renforcement de la bientraitance. Lorsqu’on connait et qu’on apprécie réellement quelqu’un, il devient d’emblée malaisant et indécent de la maltraiter. On souhaite plutôt la chérir et en prendre soin. Par mon écriture, puis ma voix, nous espérons vous faire suffisamment apprécier nos ainés pour éloigner durablement les tentations éventuelles de leur entourage de leur faire la vie dure. Les aînés sont à un moment de leur vie où ils deviennent plus vulnérables. Ce n’est pas le moment d’exploiter ces vulnérabilités, mais bien d’être un support pour ces gens d’exception. Au but de base se sont greffés plusieurs autres objectifs.
Toujours est-il que le rendu final attendu était de voir 165 aînés et de composer des textes pour un livre petit format de 100 pages, à 500 copies. Au final, c’est plutôt un livre grand format de près de 240 pages, imprimé à 2000 exemplaires, puis réimprimé à 2000 copies 2 mois plus tard, qui est entre vos mains. Une recherche de commanditaires complémentaires fut donc nécessaire pour assurer le manque à gagner. Suite au livre, il était prévu qu’une tournée de spectacles dans 25 écoles primaires (mise en scène pour enfants) et dans les locaux Biblio (dans les milieux ruraux) et bibliothèques urbaines de la région (mise en scène pour adultes), soient réalisés sur une durée de 6 mois. Fier de ses réalisations et des bienfaits collatéraux du projet sur la collectivité, la Table de concertation des personnes aînés de l’Abitibi-Témiscamingue, les autres partenaires au projet, ainsi que moi-même, sommes très heureux du dénouement de cette belle aventure. Bien qu’elle a nécessité le déploiement d’efforts beaucoup plus considérables que prévu. Somme toute, j’ai réalisé en tant qu’auteur que c’est le projet le plus gros de toute ma carrière, et comme je m’en suis rendu compte rapidement, j’ai mis toute l’énergie nécessaire pour ne pas passer à côté de ce moment fort de mon existence.
Je lève mon chapeau à tous les enfants, et petits-enfants de nombreux ainés de la région qui ont pris la balle au bond lors de l’appel à tous lancé dans les médias, pour mettre en valeur les aînés qui leur sont chers, en m’envoyant simplement leurs coordonnées et quelques lignes sur ce qu’il trouve d’exceptionnel chez ces gens. Le projet était gratuit pour tous, mais il fallait quand même lever la main pour y participer. Cela fait du bien de savoir que les descendants ont pensé à leurs prédécesseurs à ce point. Il y a 10 ans, j’avais fait un projet pour collecter les meilleures légendes des villages et des villes de partout en région pour un coffret audio, et les noms en référence furent nettement moins nombreux. Les choses évoluent donc pour le mieux à cet égard.
Je ne peux passer sous silence la générosité et la force tranquille de la plupart des ainés croisés sur mon chemin. Passer 4 jours par semaine à être en contact avec leurs vies sous toutes ses coutures, fut extrêmement enrichissant pour moi et j’espère vous transmettre dans ces pages, une part de ces révélations qui m’habitent encore. Elles ne me quitteront jamais plus. J’ai toujours mes opinions et mon œil jeune, mais je saisis maintenant des choses sur la vie qui me porte à faire, ici et maintenant, des choix plus sains et plus éclairés pour orienter la deuxième moitié de ma vie. Tout cela grâce au contact avec eux.
Merci donc à tous ceux rencontrés, à ceux qui me les ont fait connaitre, à ceux qui ont fait en sorte que l’aventure soit possible humainement et financièrement, à ceux qui m’ont supporté moralement et techniquement, ainsi qu’à ceux qui prennent la peine d’ouvrir ce livre et de le lire.





