Pierre Tremblay

Amos (anciennement Shawinigan)

Les gestes fondateurs des pionniers contiennent tout ce qui vient ensuite. C’est la genèse. Le point d’appui des centaines de milliers de gestes qui en découlent. Cette pierre d’assise principale a besoin d’un geste volontaire. Besoin d’une personne ou d’un petit groupe agissant prophétiquement et qui donne la force motrice à l’avenir, pour que l’horizon de nos espoirs advienne. Lorsqu’un territoire est né dans la douleur, ou pire, dans le hasard; le reste s’en ressent. Un petit vide se lira toujours entre les lignes des conversations sur des générations. Or, Amos est né dans la bravoure, la soif d’aventure et le goût d’être premier. Pierre Tremblay le savait dès qu’il a mis les pieds ici pour enseigner à l’ancienne École normale. Il venait de Shawinigan. Pierre a toujours eu une forte capacité de voir facilement dans sa tête les récits fondateurs et les épopées qu’on lui racontait ou qu’il lisait étant jeunes. L’Illiade et l’Odyssée, la Guerre des Gaules et j’en passe avaient des teintes, des formes et des acteurs hauts en couleur qui écrivaient l’histoire à grand renfort de phrases célèbres et de gestes symboliques maintenant taillés dans le bronze, pour que la postérité y trouve un sens et une fierté.

Après un parcours quelque peu difficile pour gagner sa croûte dans le monde scolaire, en passant d’un emploi à un autre, d’année en année, il a fini par prendre sa retraite en 1998. Après 2 ans à évacuer le trop-plein de difficultés quotidiennes et nettoyer sa vie de toutes les émotions complexes de ses années de travail, sa fille Sylvie donne la chance à son père de faire une émission de philosophie à la télévision communautaire (où elle travaille à l’époque). Bientôt complice de cause en duo bigénérationnel, Pierre et Sylvie luttent d’abord fermement avec succès pour éviter la vente et le démantèlement de la maison Hector Authier:  5 ans de travail acharné. Maintenant c’est un attrait touristique important d’Amos au sein duquel Sylvie est impliquée. En 2006, suite à l’écriture de textes poétiques sur le thème des débuts d’Amos, une idée germe dans la tête de Pierre : il faut qu’une pièce de théâtre digne des Grands voie le jour, pour raconter le récit fondateur et mythique des premiers habitants, les deux familles Turcotte.

En 2009, Pierre et Sylvie se disent autour de la table de cuisine qu’à un an du centenaire de la venue des Turcotte à Amos, il faut bouger maintenant et que, s’ils ne s’en occupent pas eux-mêmes, personne ne le fera. Ils virent la ville à l’envers pour y dénicher les dizaines de milliers de dollars nécessaires en plus de lancer les collaborations essentielles au projet. Les 15 et 16 octobre 2010, pari tenu ! Une épopée est née et les images présentes dans la tête de Pierre depuis des dizaines d’années prennent enfin vie. On affiche complet et l’ovation debout n’a pas de fin.

Donc après La folle odyssée de Bernadette, quelques années plus tard, Pierre et Sylvie s’attaquent à corriger une autre lacune dans la mémoire collective des Amossois : faire le spectacle « Ce sera une Cathédrale » mettant les projecteurs sur la fondation du symbole ultime de l’ancrage des Abitibiens au territoire d’ici, via l’action forte du curé Dudemaine. Encore une fois la magie opère et Pierre se sent poussé à l’action d’une façon quasi divine en ce début du 100e d’Amos. Pierre et Sylvie s’appliquent alors à la création de la pièce « Abitibi, notre Royaume » où trois personnages fondateurs parlent, sans oublier « Le chemin de Geneviève » qui marque l’anniversaire de décès de Ste-Thérèse-d’Avila qui patronne Amos et sa cathédrale par cette pièce d’une belle sensibilité qui met la vie de la sainte au goût du jour. Si je vous dis qu’en général Pierre a horreur de la médiocrité, ai-je besoin de vous mentionner que toutes les productions furent soignées et léchées au point de s’approcher le plus possible de la perfection et ainsi ne pas rater leur entrée au Temple de la Renommée des meilleurs souvenirs amossois? Pierre et sa fille ont non seulement donné un goût net, vif et durable à la population de connaître son histoire, mais Pierre a démontré d’une manière on ne peut plus efficace que le moment de prendre notre retraite ne signe pas notre arrêt de mort ou notre mise au rancart, mais elle peut véritablement être un point de départ vivifiant. Qu’on se le tienne pour dit !