
Pierre Galarneau et France Galarneau, 68 ans
Amos (anciennement Montréal)Pierre et France ont grandi à Montréal. Le vrai Montréal urbain qui échappe à notre référence de gens d’Abitibi-Témiscamingue. France, sur le Plateau Mont-Royal, et Pierre, coincé dans l’ancien Guybourg, rue Cadillac. Un quartier mal famé où même les taxis ne s’aventurent pas. Petit quartier, logé entre deux grosses compagnies industrielles. Les rues habitées par les francophones catholiques, en bas de la rue Ontario et les Anglos au-delà; le tout, borné par deux champs. À 40 contre 50 dans un climat de tension linguistique, les conflits sont devenus rapidement codifiés. Dans le camp des francophones, il n’y avait qu’un seul anglophone bilingue protestant et il servit rapidement à Pierre à lui glisser à l’oreille des insultes en anglais, pour mieux invectiver les adversaires. On se fabrique alors des armes de gamins, comme un lance-boules piquantes (pour lancer des boules de chardon en fin d’été) qui finissent souvent, hélas, dans les cheveux de Pierre et de sa sœur, frisés comme des moutons. L’aubépine à long pic était aussi très prisée sans compter les vis qui servaient carrément de projectiles ravageurs lorsque décochés à l’arbalète. Sa sœur en est même revenue un bon soir avec une vis de trois pouces plantée dans sa joue. Sans rechigner, sa mère a procédé au dévissage. C’était de bonne guerre. Il faut dire que le père de Pierre travaillait à livrer du courrier et il s’est vite rendu compte que toutes les issues pour monter dans l’entreprise était bloquées simplement parce qu’il était catholique et francophone. Disons que ça aide à accepter que les enfants jouent à se quereller avec les Anglos. Pierre adorait les stratégies et apportait même des variantes dans leurs jeux complexes. Il n’y avait qu’un pas à franchir vers l’adhésion aux idées du Parti Québécois plus tard et l’affranchissement des francophones pour réaliser un nouveau projet de pays où les francophones auraient la part belle.
Dans les rues plus « fréquentables » de la petite France, on jouait à « branch à branch », un passionnant jeu de cachette en équipe. Il y avait bien aussi le jeu des noms de rue qui est une variante du jeu de la lettre, où il fallait deviner le nom des rues par la première lettre et courir pour ne pas se faire toucher. Encore là, le plaisir des stratégies, de faire équipe et de causer la surprise par des connaissances inattendues était présent. Il était presque écrit dans le ciel qu’ils se rencontreraient et qu’ils auraient plaisir à jouer ensemble. Le jeu était inoculé en leur corps assoiffés de rivalité. La rivalité divise si peu parce-que contenue sous le chapeau large et fédérateur de se savoir passionné par l’affrontement commun. Affronter l’ignorance est devenu rapidement plus fort que tout, dans les jeux qui raffermissent notre humanité. C’est France qui s’est lancée en premier à St-Dominique du Rosaire à l’organisation de « Génies en Astérix » en 1986, qui était un jeu-questionnaire où chacun des élèves doit tout savoir sur la populaire bande dessinée pour ainsi espérer faire gagner son équipe. Une rivalité qui fait avancer les connaissances! Et voilà, le jackpot est trouvé!
On passe ensuite d’Astérix aux oiseaux, puis aux mammifères et aux questions sur le Québec et le Canada pour finalement se rendre compte qu’on a fait apprendre à des centaines d’enfants des connaissances de niveau secondaire 4. Tant mieux! En 1991, le couple s’associe au reste de la région, notamment Jacques Beaulieu de La Sarre, pour jeter les bases du jeu-questionnaire « Génies en herbe » en région. La sauce a pris et les années d’ensuite furent fastes. Des milliers d’élèves trouvaient alors un débouché à leur soif d’en apprendre plus dans des domaines extrêmement variés : leur savoir les a valorisés. Le duo composé de France et de Pierre a donné à la région, peu après leur venue en éducation, un mouvement fort bien structuré et prolifique en accomplissement. Une voie royale pour les intellos dans l’âme qui visent une carrière dans les hautes sphères de la connaissance et qui commence par muscler leur esprit dès leur primaire. Notre duo a même eu la chance de voir des équipes des petites écoles publiques de notre lointaine région faire la barbe à des équipes de jeunes pédants des écoles privées de Montréal. Manière de dire aux Montréalais qui ont vu passer Pierre et France jadis: «les «ti-culs» joueurs et bons stratèges d’antan se sont exilés loin, c’est vrai, mais qu’ils se sont accomplis fortement dans leur destin, dans ce Nord où tout le monde a accès à devenir quelqu’un. Ils reviennent aujourd’hui avec des centaines de jeunes vies aussi compétentes que vous. Une pléthore de jeunes connaissants mais doublés de l’appréciable humilité propre aux écoles publiques. Pierre et France sont de retour pour gagner.»





