
Pierre-Donald Landry, 77 ans
Val-d'Or (anciennement Dubuisson et Matagami)Quand Pierre-Donald était dans sa jeune vingtaine, alors qu’il était commis à la perception pour Blais téléphone à Malartic, il savait pertinemment comment fonctionnaient les lignes téléphoniques. Avec un téléphone à crinque, si on faisait un appel chez le voisin qui était sur la même ligne que nous, tout comme 7 autres maisons, le son du signal dictait à qui était destiné l’appel. Il reste que, si on répondait rapidement, on pouvait entendre des tous petits « tic » sonores qui indiquaient qu’une autre personne du voisinage était aussi sur la ligne en train d’espionner. Toujours est-il qu’un bon jour, une voiture près de chez lui a fait un face-à- face avec un orignal: plus de peur que de mal pour le conducteur qui s’est en allé au garage. Pour ce qui est de la bête, elle semblait avoir été grièvement blessée, mais sans mourir tout de suite, prenant le bois péniblement. C’est à ce moment que Pierre-Donald a pris son téléphone pour appeler le garde-chasse, afin de lui demander s’il était possible de garder la viande, s’il trouvait la bête décédée dans les prochaines heures. Au moment de lui parler, il a entendu tous les petits « tic » des commères du voisinage qui l’espionnaient. Ne sachant pas qu’il était écouté, le garde-chasse a dit clairement que si Pierre-Donald trouvait la bête et l’achevait, il devrait partager le butin avec son voisinage. Bel adon… aussitôt dit, aussitôt su. Généralement, lorsqu’on espionne, on fait comme si on n’avait rien entendu, en jouant à l’innocent. Or, vous comprendrez qu’une nouvelle de la sorte qui fait saliver tout le monde, ça fait craquer les vieilles habitudes d’hypocrites. Dans les minutes suivantes, ils étaient quelques dizaines à cogner à la porte pour organiser une battue, afin de trouver la bête et se partager le tout. On a fait fi du niaisage habituel de conversation qui ne mène à nulle part et tous ont cherché jusqu’à la noirceur: rien. Le lendemain, Pierre-Donald est parti de la maison, lorsqu’il reçut un coup de fil de son père lui disant de revenir vite. Edgar Saucier, un voisin qui savait que son cheval avait le nez plus fin que lui, a trouvé l’orignal mourant près d’une souche,non loin de la voie ferrée. Comme son cheval était craintif, il a dû s’en approcher de reculons pour éviter que son cheval ne voit l’orignal. Edgar l’a abattu et sorti du bois avec son attelage avant de partager la viande équitablement comme convenu.
Quand bien même Pierre-Donald avait voulu choisir son entourage pour le partage de la viande, il n’a pas eu le choix. Quand les secrets s’ébruitent, on doit y aller selon le courant, obligé d’agir selon les volontés populaires. Surtout si les gens ont un réel gain à faire dans la nouvelle du moment. Mieux vaut un 5 livres de viande gratuites dans un climat de bonne entente générale qu’un 20 livres acquis de peur dans une chicane collective qui ne trouve pas de fin.





