
Marielle Rivest Rioux, 91 ans
MalarticPutainville, c’est vrai! Juste à côté de Malartic dans les années 30, ce petit patelin comportait presque plus de bordels que de maisons régulières. C’est au point où Marielle, qui n’avait que 7 ans, se faisait interdire d’aller jouer plus loin, en plus de devoir barrer la porte à double tour aux moindres allées et venues pour éviter que les grands hommes forts des mines (infiniment plus nombreux que les femmes) se risquent à soulager leur libido excessive en entrant par la mauvaise porte. Qu’est-ce qu’il faut endurer comme parents en temps de crise économique pour survivre, hein? À 9 ans, c’est carrément dans un Malartic à peine naissant qu’elle doit vivre la suite de son enfance, rue Frontenac. La devise de sa mère est claire : « Je n’impose aucune tâche de maison à n’importe lequel des 6 enfants, mais… vous allez devoir étudier le soir. » Marielle étudie tant et si bien qu’elle se retrouve dans le groupe des élèves les plus performantes aux examens du ministère en 7e année.
Toutefois, il y a un petit problème. Le directeur, qui octroie les diplômes pour cette dernière année d’école catholique à Malartic, exige que les fillettes passent à son bureau pour une séance de « taponnage ». Marielle refuse catégoriquement, contrairement à la plupart des filles de son année, et se retourne vers un homme plus haut placé pour avoir son diplôme : le curé Renault. Même si le curé hésite fortement à croire Marielle, il promet d’intervenir en sa faveur auprès du directeur en question. Peu de temps après, elle reçoit son bulletin de fin d’année où il est inscrit qu’elle a terminé première au Québec… mais sans avoir eu à passer l’examen final du ministère !
Pour sa part, l’été est le théâtre d’un revirement dans la perception du curé, parce que Marielle, souhaitant poursuivre ses études plus longtemps à Malartic, n’a eu d’autre choix que de se faire inscrire par sa mère à l’école anglaise protestante pour ses 8e et 9e années. Le curé Renault pestait contre ce choix au point où, dans une sainte colère, il a excommunié la mère de Marielle, la laissant supposément sans protection divine. Honnêtement, Mme Rivest s’en foutait. Elle acceptait de se tuer à l’ouvrage de l’entretien ménager pourvu que ses filles étudient, et ce n’est pas une question de religion qui allait empêcher Marielle de continuer. Cette dernière est devenue parfaitement bilingue en plus de se faire de bonnes amies chez les anglophones qui composaient presque 50% de la population locale à l’époque.
En finissant sa 9e année (et à cours d’argent pour aller plus haut), elle s’est engagée notamment comme vendeuse de linge au super magasin « Kid Joseph », tandis que sa mère reprenait le chemin de la religion catholique, comme si de rien n’était. Marielle était payée à commission et elle était la seule bilingue. Elle a donc empoché beaucoup plus d’argent que n’importe quelle vendeuse (50$ par semaine) parce qu’elle servait les anglophones. Après avoir rallumé la flamme de son amour d’enfance qui lui échangeait des petits mots doux sur un papier qui tenait entre deux roches dans l’arrière-cour de l’école, elle s’est mariée et a eu péniblement deux belles filles à travers onze grossesses qui souvent finissaient en fausses-couches à 3 mois. Le curé, à la confesse, l’envoyait directement en enfer (encore un), parce qu’elle pensait arrêter d’avoir des enfants, avec les avertissements des médecins qui craignait maintenant pour sa vie. Elle a changé de curé et le nouveau lui a donné l’absolution. Inutile de vous dire qu’aujourd’hui, elle se dit « catholique à gros grains ». Elle en prend et elle en laisse comme sa mère d’ailleurs. N’empêche que de défier l’autorité et les règles établies fut payant pour elle par son bilinguisme et, signe du temps, ses deux filles ont fait carrière comme professeures spécialisées, l’une en anglais et l’autre en français.





