
Marcel Bluteau, 65 ans
Beaucanton« Marcel, je te donne ton premier WARNING de toute ta carrière. Je regrette, mais j’ai eu une plainte. Je dois la mettre à ton dossier. » Marcel dit tout haut qu’il regrette, s’il a fait une erreur de coupage de planche. « Ah ben non, Marcel! Dans votre équipe de cinq gars, il semble… que tu ris trop. Tu fais trop de blagues. Il faudrait que tu en fasses un peu moins. » Marcel remercie le boss pour le commentaire et affirme sincèrement qu’il fera les efforts pour que cela ne se reproduise plus. Pourtant, dans sa tête pendant toute la soirée, il se dit qu’il ne fait que des blagues lors des pauses et au dîner, et que cela ne ralentit en rien les opérations. Même que cela les accélère, parce que les gars ont plus d’entrain et de cœur à l’ouvrage. Tant de gens ont un air de bœuf qu’il est bien mal foutu de demander à un homme dans une shop de rire moins. Une équipe de cinq, ce n’est pas beaucoup. Marcel se doute de l’homme qui a porté plainte, mais il décide dès le lendemain matin de devenir irréprochable, en faisant la baboune toute la journée. Pas un mot sur l’heure du diner, ni durant les pauses. Il apprend qu’un autre collègue presque aussi jovial que lui s’est fait demander de descendre l’humour d’un cran, lui aussi. Les deux font des faces d’enterrement et l’ambiance est scrapée. Au bout de deux semaines plates au coton, le suspect se dénonce lui-même en accrochant Marcel dehors : « Chu pu capable Marcel! C’est tellement plate depuis deux semaines. Y a pu d’ambiance. Y a pu de fun pantoute. Chu en train de péter au fret. Recommence à faire des jokes, s’il te plait. Il y a deux semaines, ma femme est partie pis le lendemain, ça me fâchait de te voir rire de même, mais là il faut que ça revienne. » Et voilà! Marcel a fait venir son ami lésé et le gars qui s’était plaint directement au bureau du boss. Tous se sont expliqués. Des poignées de main se sont données. Le WARNING ne tenait plus et la vie drôle et agréable est revenue dans l’équipe petit à petit.
Marcel Bluteau, homme doué pour le bonheur, s’est fait contagieux toute sa vie, jusqu’à faire en sorte que ses collègues n’étaient plus capables de manger en 30 minutes parce qu’ils riaient trop. Il fut toujours rempli de gratitude pour ce que la vie lui apporte et l’a transmis à la plupart de ses collègues, à ses trois enfants et à sa femme. Mais même le personnage le plus jovial et encourageant n’est pas à l’abri de se « faire pisser sur son feu». Je vous souhaite de ne jamais être celui qui pisse sur le feu de joie des autres. S’enflammer à leur contact vaut bien mieux.
Par ailleurs, c’est avec cette propension pour le bonheur et sa débordante capacité d’émerveillement qu’il est, depuis 45 ans, le Père Noël du nord de l’Abitibi. Il fait passer tous les jeunes sur ses genoux avec un réel plaisir et cette fonction prestigieuse fait de lui le confident des enfants, l’improvisateur des meilleures réponses, le donneur d’espoir et le câlineur sincère. Et comme disait le père Asselin : « Ce qu’il donne d’une main, il le reçoit de l’autre. » Cela fait aussi de lui l’homme au cœur le plus rempli d’amour de toute la région d’Abitibi-Ouest. Il carbure pour l’année tous les mois de décembre.





