
Lucie Trudel, 71 ans
Rouyn-Noranda (anciennement Amos)Lucie a le cœur dans la voix. La main sur le cœur. Et le cœur à la bonne place. Elle est de celles qui parle d’un événement en donnant moins d’importance aux événements bruts qu’à comment on s’y sentait en les vivant et à l’effet que cela a eu sur nous. Autant on peut lire sur les sachets de chocolat chaud: « Goût riche et onctueux », autant on peut affirmer que les paroles sucrées qui sortent de sa bouche ont un « Goût riche de sens et onctueux pour l’âme humaine ». Pas surprenant que son défunt mari, le grand développeur régional Guy Lemire, ait tant aimé les desserts au point de commencer ses repas par ceux-ci.
Lucie est une tête chercheuse, mais elle sait que la recherche de la vérité est une quête sans fin. « On ne l’aura jamais vraiment. Elle n’existe pas la vérité. C’est juste une quête, mais une quête importante à faire».
Lucie trouve de belles pistes de vérité à tous les tournants de sa vie, si bien qu’elle lance à la volée des phrases d’une puissance inouïe. Des phrases que des gens paieraient cher pour trouver au bout de six mois de réclusion en buvant du thé auprès d’un vieux sage japonais qui taille son bonzaï méticuleusement. Toujours à point selon le moment, le contexte et la personne en face, elle est fébrile à l’idée de connaître l’autre. « Qu’est-ce que la vie à l’air quand elle passe par toi? ». Ses phrases se portent en elles-mêmes. Elles se tiennent debout toutes seules. Elles ouvrent. Elles pénètrent l’entendeur. « Il faut s’inscrire dans la plénitude plutôt que dans les privations ou dans ce qui réduit l’humain. »
Dans son jeune âge, Lucie s’est occupée de prendre soin de plusieurs enfants placés en adoption dans un orphelinat d’Amos. Elle a pris des orphelins dans ses bras, les a aimés véritablement et les a chéris. Ça a changé quelque chose en eux. En leur attitude. Tous les enfants dont elle avait la charge ont trouvé preneur dans les mois suivants. « L’amour et l’attention changent le monde. » « C’est puissant l’amour. »
Lucie considère avoir eu un père tendre et attentif. Un père sur la même longueur d’onde qu’elle. Il cherchait à comprendre sa fille en pleine crise d’adolescence qui pestait contre les rigidités de principe de sa mère. Or, les sœurs de Lucie n’ont pas du tout eu la même perception de leur père. Plusieurs points de vue valables sont possibles d’une même situation. L’échange sur le sujet est grisant et éclairant. Les nombreux voyages d’ensuite entre sœurs, puis entre frères et sœurs, ont été de vraies bouteilles de vitamines pour tous. Dès lors, Lucie planchait sur la nécessité d’écouter des témoignages en de multiples occasions.
Lucie pense qu’« on a à devenir nos propres pères et nos propres mères. » « Nous avons ultimement à régler nous-même nos propres conflits. Nous avons à développer de la bienveillance et de la bonté envers nous-même. En fait, nous avons à essayer de devenir nous-mêmes. » Le défi n’est pas mince et, quand on grandi, la famille et les autres nous mettent souvent beaucoup de pression. Il ne faut pas oublier que « la pression sur un enfant peut être aussi imposante que celle sur les épaules d’un premier ministre. »
Lucie fuit les médisances comme la peste. « Les autres ont une somme de travers égale à la nôtre. » Quand on se rappelle cela, on arrive à mieux comprendre le différend entre elle et sa mère. Quand on se rappelle de cela, plus aucune condescendance ne se peut. N’importe quel projet humanitaire au Guatemala ou au Mali nous voit arriver en disant : « Je ne veux pas aller leur dire quoi faire pour que ça aille mieux, mais je peux bien les écouter et les aider à faire ce qui pourrait aller mieux selon eux. »
Lucie a fait des études en théologie à Sherbrooke. Elle a une conviction profonde que « la foi ce n’est pas d’agir par crainte de mal faire, mais plutôt d’agir en grande ouverture. » « On s’est servi des paroles saintes à la lettre au lieu de les prendre pour des symboles à comprendre pour grandir en humanité. » Elle s’est servie de cela pour se demander comment on peut donner du sens à nos événements.
Lucie croit que « l’amour ne passera jamais ». Elle a rencontré son mari Guy au Service des communications au cégep à Rouyn-Noranda à 24 ans. Après des discussions hyper intéressantes autour d’un café à deux, la complicité a grandi, et c’est devenu un très grand amour. Ils ont aussi connu leurs jours les plus difficiles à deux, comme bien des couples. Ils ont répondu à la question de l’écart entre romance et désillusion, à celle de « pourquoi je reste avec toi? » et d’en arriver à « aimer jusqu’à la déchirure », comme le dit Jacques Brel. Ils sont parvenus à se dire réellement que, « l’amour c’est une décision. » « À la longue, ce sont les différences qui nous tiennent ensemble dans le couple. Les affinités ressurgissent alors au bon moment. »
Lucie a développé pour crédo l’écoute dans le présent et l’authenticité, à un point tel qu’elle a développé le défaut d’être souvent en retard à des rendez-vous. Si la situation demande sa présence en pleine conscience relationnelle entre elle et l’autre, elle accepte donc d’allonger le moment pour bien finir ce qu’elle commence au lieu de casser abruptement le rapport humain en le quittant à brûle-pourpoint.
Lucie écrirait volontiers dans une bouteille jetée à la mer, pour être probablement vu par des plus jeunes : « Aime-toi et aime les autres. Prenez le temps de voir votre beauté. Laissez couler les liens entre les êtres. Ouvrez votre regard. Développez les qualités du cœur. »
Lucie dit : « Toutes les personnes sont sacrées. »
Lucie sait qu’ « on accueille les vérités qu’on comprend. »
Lucie espère « ne pas se laisser enfermer par les verbes au conditionnel. »
Lucie affirme : « Je suis. Oui. Je suis. »
Selon moi, si Lucie EST, c’est qu’elle est arrivée à « vivre les valeurs qui font vivre ». Chapeau et merci!





