
Louisette Paré Perron, 85 ans
Lorrainville (anciennement Mont-Brun et Nédélec)À 18 ans, Louisette déménage à Lorrainville avec son nouveau mari et tous deux se rendent bien compte qu’il n’y a pas de petit loyer disponible dans la municipalité. Par des contacts, il a réussi à avoir le nom d’un retraité sympathique qui vit seul et qui accepte de partager son espace vital dans sa grande maison, afin de les accueillir. Cette perspective leur sourit, et après un court entretien, ils décident d’emménager chez lui. Quel beau signe d’hospitalité ! Ce qui l’était moins, par contre, c’est la fille de cet homme qui craignait que son père ne finisse par lui faire perdre son héritage, au profit des nouveaux venus dans sa vie (ce qui n’était pas dans l’intention de Louisette). La fille en question décide donc d’emménager chez son père pour en prendre soin et veiller au grain, laissant sans domicile Louisette et son mari.
Louisette se dit : « Si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »
Le vieil homme leur parle toutefois d’une famille d’agriculteurs dans un rang qui aurait sans doute une chambre ou deux pour eux. Après vérification, c’est tout à fait le cas, et les bras sont grands ouverts. Ils aménagent donc à cet endroit, en prenant une chambre pour dormir et une autre pour se faire une cuisine de fortune, charriant l’eau du rez-de-chaussée. Au bout de quelques semaines, la famille vient les voir pour leur dire que c’est insensé de fonctionner de la sorte : « Voyons donc! Si ça a de l’allure de vous laisser charrier de l’eau soir et matin pour que vous mangiez tout seuls dans votre coin ! À l’heure des repas, apportez vos affaires en bas. On va tous manger en gang, quitte à cuisiner ensemble pour tout le monde. » Commence alors une belle relation d’amitié, et le couple locataire prit plaisir à aider la famille à leur étable quotidiennement. L’amitié, c’est un effet d’entraînement. Ils sont ensuite devenus si proches qu’ils se considéraient en famille et, durant l’été, la maisonnée doublait de population pour recevoir avec joie les enfants des propriétaires, tandis que Louisette portait son premier enfant. Comme elle dit : « Quand on est bien, il peut nous arriver n’importe quoi… on est bien et les choses se font facilement. Y avait de l’amour à travers ça. » Lors de la venue de leur deuxième enfant, l’évidence de l’étroitesse de l’espace leur a sauté aux yeux. C’est avec un pincement au cœur qu’ils sont déménagés dans un appartement plus grand.
« Si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »
Quelques dizaines d’années plus tard, Louisette constate que son mari est gravement malade et que ses capacités physiques ne seront plus les mêmes. S’adaptant à cette nouvelle réalité, elle décide d’acheter un bâtiment commercial juste en face de l’église, pour y ouvrir un commerce de céramique ornementale qui verrait son mari continuer de travailler à son rythme. Le commerce ouvre ses portes et les affaires vont bien, mais on ne peut pas en dire autant de la santé de monsieur, qui ne peut bientôt plus travailler à la céramique. Pour tout dire, il décède peu de temps après.
« Si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »
Malgré son deuil à faire, Louisette avait quand même pris plaisir à cette nouvelle occupation de vie qui, par surcroît, est rentable. Elle tient donc commerce pendant plusieurs années et, en 1992, elle fait changer tout le filage électrique du vieux bâtiment. Tout sauf un petit 5% au sous-sol. C’est lors d’une tempête de neige en novembre qu’elle se décide à brancher sa voiture à la prise connectée au sous-sol… la prise surchauffe… déflagration monstre. Ne reste que cendres et poussière, ainsi qu’une Louisette attristée.
Or, elle se dit : « Si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »
Quelques années après, elle voit que deux métiers à tisser inutilisés, trainent au Club de l’Âge d’Or de Lorrainville et elle s’engage à leur donner une utilité dans un nouveau local destiné à l’artisanat, à quelques mètres de l’emplacement de son ancienne entreprise, qui devenait le Restaurant Bournival. Ce lieu où les projets foisonnent est l’élément qui a fait connaître et reconnaître encore davantage Louisette.
Après tout, « si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »
C’est avec cette attitude d’accueil candide des événements qu’elle a traversé sa vie, laissant loin derrière elle, le doute et les remords. Lorsque je relis ces quelques lignes que je viens de vous écrire, je me demande si j’aurais dû écrire autre chose ou puiser différemment dans son passé pour vous rapporter une autre perle d’existence de Louisette… NON. Je ne change rien : « Si ça avait à se faire de même, c’est que c’était dû pour se faire de même. »





