
Lise Benoit, 87 ans
Val-d'Or (anciennement Ville St-Laurent)Lise a adoré l’enseignement reçu avec les religieuses de la Congrégation Sainte-Croix, mais moins celui reçu par les religieuses de Sainte-Anne. Après avoir mis une croix sur son rêve de devenir elle-même une religieuse, elle s’est lancée comme enseignante à Saint-Jérôme. Elle enseigna d’abord au primaire en 1951 où elle n’était pas à sa place, puis au secondaire en mathématiques où elle était tout à fait à sa place. Après des distinctions obtenues et surtout après une décision jugée discutable, elle se rend disponible avec une amie pour aller enseigner loin en région. Elle aboutit à Sept-Îles, mais une clause du contrat stipule que l’entente tient tant qu’elle demeure célibataire (en étant mariée et en famille, elle aurait demandé des congés et un salaire plus élevé, ce que refusait de payer les patrons avant la syndicalisation). Son amie se marie et elle n’a plus les moyens de rester à Sept-Îles. Ses bonnes références et sa réputation, qui la précèdent, font qu’un directeur l’appelle pour enseigner à Sainte-Adèle, puis ses contacts la font revenir à Saint-Jérôme. Non seulement il manque de professeurs à cette époque, mais elle excelle dans son enseignement en mathématiques, et cela fait qu’on se l’arrache. Comme elle sent qu’elle est compétente, elle trouve la confiance pour bien négocier ses conditions d’embauche et de travail.
Elle rencontre ensuite un homme intéressant, mais cette fois-ci, au lieu de s’en aller en gardant son indépendance, elle lui dit OUI même si son défaut principal est qu’il venait de l’Abitibi et qu’il souhaite y retourner. Elle l’a donc suivi afin de fonder une famille, mais une fois arrivée à Val-d’Or, Lise s’ennuyait fermement pendant qu’elle était enceinte de leur premier enfant : elle ne connaissant personne. Or, il s’est trouvé que le seul homme connu de sa part à Val-d’Or l’avait déjà vu passé dans les Hautes-Laurentides. C’était depuis peu le directeur d’une école. Après rendez-vous de retrouvailles, elle parle de son intention de faire du remplacement. Le timing est parfait, mais encore une fois sa réputation de grande compétente lui ouvrit les portes toutes grandes. Les années suivantes ont coulé de source, de la même façon et elle a fini par cumuler près de 35 ans d’enseignement. Une fois à la retraite et après la mort de son mari deux ans plus tard, elle n’est pas retournée dans les Laurentides. Croiser des centaines d’anciens élèves dans les rues chaque année est très valorisant et elle ne s’en passerait plus.
Quand on est très compétent dans un métier, ça donne de l’assurance et une réputation qui roule presque toute seule. Les chemins de la vie sont ensuite moins tortueux et remplis d’opportunités à chaque tournant. Quand on est passionnée de ce qu’on fait, ça aide à maintenir à jour ses compétences. Finalement, à l’heure de la retraite, c’est pas gênant de croiser des gens qui disent comme à Lise : « Eille, c’est elle qui m’a débloqué en math… Aujourd’hui, chu content d’être devenu ingénieur. » Les fleurs de l’époque deviennent alors des fruits mûrs qu’il ne reste qu’à cueillir.





