Julienne Cliche, 85 ans

Rouyn-Noranda (anciennement Mont-Brun)

Être née en pleine Crise économique.

Passer ses premiers jours en Abitibi à Mont-Brun, à  4 ans, en couchant dans le foin d’une grange comme les autres familles, complètement transies.

Être gelée bord en bord comme des démunis à -35 degrés dans un shack en bois rond isolé avec du papier journal de l’action catholique collé avec de la farine et de l’eau.

Manger de la mélasse pour les chevaux.

Voir les gens autour mourir de la tuberculose.

Voir son père revenir confus et violent d’une opération d’hernie où les somnifères lui ont fait perdre la mémoire et la raison. Se faire battre par son père parce qu’il ne reconnait pas sa fille et le voir battre sa femme, par crise de jalousie.

Le voir se prendre la tête le soir au bord du lac Caste comme une bête blessée.

Voir partir son père pour l’asile et souffler une peu, pendant que lui se fait donner des électrochocs.

Voir revenir son père par pitié parce qu’il se fait maltraiter à l’asile.

Passer ses nuits debout, jeune enfant, pour bouger le berceau du petit dernier qui se fait manger la figure par les mouches.

 

Être responsable de faire à manger à 125 hommes forts dans un chantier forestier à l’âge de 13 ans, en travaillant d’une étoile à l’autre.

Être maîtresse d’école de rang à 14 ans.

Se sentir mourir par empoisonnement de sang lors d’une maladie de jambe et se faire sauver in extremis par l’intervention d’un oncle américain en visite.

Après s’être marié à cause du travail éreintant que la misère exige, perdre 5 enfants sur 11 grossesses.

Dire franchement et sans surprise : « Après tout ça, tu comprends pourquoi j’ai la peau dure. »

 

MAIS…

Dire un jour : « Donnez-moi un dépotoir et j’en ferai un jardin de fleurs ».

Mieux encore… le faire.

1000 misères décomposées pour faire pousser 1000 tiges de beautés.

 

Merci, Julienne Cliche, pour le Parc botanique « À Fleur d’eau ». Des nuées d’enfants prennent maintenant le flambeau. Nous savons maintenant qu’il est possible que « tout ce qui ne tue pas, nous rend plus forts. »