
José Médiavilla, 74 ans
Rouyn-NorandaLorsque j’étais de passage chez des amis dans le sud de la France, il y a une dizaine d’années, ils m’ont amené voir une grande exposition des œuvres du célèbre sculpteur Giacometti. Des sculptures en bronze qui marquent l’esprit. Au centre de l’exposition, la pièce la plus connue « L’Homme qui marche », qui fut vendu à 140 millions de dollars. Quand on a la chance que j’avais, on tourne autour, on déshabille du regard, on scrute les moindres détails et on interroge les raisons d’origine de l’auteur. Le symbole d’une humanité en marche par un homme intemporel, filiforme, droit, mais pourtant penché vers l’avant, mettant un pied assuré devant l’autre, était devant moi. Cet homme nu et habillé à la fois, marchant vers un horizon qu’il dessine, se montre léger malgré le lourd bronze hachuré qui le compose. J’arrête devant la pièce un instant et l’éclair me foudroie. Cette figure qui représente l’humanité selon Giacometti, c’est José Médiavilla. Originaire de l’Europe également, José est un marcheur au sens propre comme au figuré. Engagé un peu trop fort à changer le système au goût du dictateur Franco, il traverse l’Atlantique, marchant au figuré vers des lendemains meilleurs pour l’Homme. Arrivé bientôt à Rouyn-Noranda, lourd de tous les métaux inhalés qui le prenaient par la gorge à la fin des années 60, il est allé marcher au sens propre vers une santé sans cesse renouvelée, dans les sentiers du lac Opasatica à Montbeillard. Fuir les propos du maire de la ville de l’époque valait mieux : « C’est préférable de mourir à petit feu que de crever de faim » choisissant clairement son camp entre santé et économie. Infatigable marcheur et pourtant si grand et si mince. Droit, mais toujours avec cette inclinaison vers le mouvement, il a tant marché, qu’il a ouvert littéralement la voie à un sentier officiel où les gens affluent pour marcher avec lui. Il a guidé des centaines de gens vers des points d’horizons exceptionnels à voir, et ce dans le respect et le dénuement d’une marche simple qu’il démocratise. Un humain qui marche d’ailleurs vers une démocratie éduquée, en portant l’espoir dans sa cage thoracique comme de l’engrais pour la vie, ça ressemble nécessairement à une sculpture de Giacometti. En fait, c’en est une, excepté que lui au moins, il ne s’est jamais fait acheter sous aucune considération. Si l’envie vous prend de toucher de vos mains les œuvres de Giacometti, faites un tour à Rouyn-Noranda ou à Montbeillard, vous pourrez le voir et même parler à ce monument qui vous répondra. Mieux encore, taisez-vous et marchez avec lui. Soyez l’œuvre.





