
Jeannine Lemieux-Lévesque, 87 ans
St-Félix-de-DalquierElle a usé deux machines à coudre ! Usé à la corde ! Finies ! Capout ! Une vieille « Singer » manuelle à pédale, pis une électrique par après. Combien d’heures penchées sur une couture simple ou double. Un point d’ourlet. Les deux mains à passer de chaque côté de la si délicate mais non moins redoutable aiguille qui pique rapidement le tissu. Le son de la routine se reconnait de loin et c’est le même que la voisine d’à côté ou de celle d’en face qui était sa mère. Même condition de femme d’époque. Même jeunesse en pagaille qui tourne autour. 11 enfants. « Vient icitte mon grand, pis grouille pas. J’m’en vais te mesurer les épaules. Je te le fais en brun. Ça va faire pour tes petits frères plus tard. » Combien de réponses données au salon, le regard à ausculter une couture fragile sur un morceau trop souvent reprisé. Elle a fabriqué TOUS les morceaux de linge de ses 11 enfants.
Moi, je me dis… s’il avait fallu que la société de l’époque en soit une de nudiste, la grande question aurait été : Que faire de tout ce temps maintenant disponible à la maison? Imaginer que toutes les coutures du monde, les choix de tissus, sans parler du reprisage et du lavage, ne servirait à rien (à part pour l’hiver), puisque personne ne porterait quedal ! Cela aurait été le paradis pour toutes ces femmes acculées au pied du mur, obligées de faire des miracles avec presque rien, pendant que le curé frappe à la porte pour réclamer du ventre de chaque femme un enfant de plus pour le bien de la Nation Canadienne-française. Un enfant que les religieux voulaient qu’on élève de manière pudique en mesurant la longueur des manches pour ne pas tomber dans la pseudo immoralité. À bien y penser, comme idée de société, porter du linge tout le temps, c’est bien une manière de garder la femme prisonnière du foyer. Ouin, des femmes durant les années 70 pouvaient bien faire brûler leurs brassières… c’était déjà un morceau de linge de moins à s’occuper !!!





