
Jeannine Gaudet Breault, 88 ans
BéarnJeannine Gaudet Brault: la référence à Béarn en matière d’histoire et de tranches de vie savoureuses. Quelques exemples :
En 1959, à la super grosse Saint-Jean-Baptiste de Béarn, elle est responsable au sein du comité organisateur du volet culturel. Elle fait venir le fameux chanteur de Québec Jacques Labrecque. Il coûte 600$ et elle s’occupe de le loger, puisque sa mère et elle habitent en haut du restaurant de la veuve (sa mère) qui y tient un service de chambres et pension. Jeannine calcule mal et offre les billets à 1$ par personne pour les 200 places disponibles au sous-sol de l’église. Le jour J arrive et finalement… il ne vient que 5 personnes. Lui qui ne se prend pas pour un moins que rien, affirme sans broncher qu’il est payé pour être là alors il va chanter. Son musicien et lui se donnent dans un spectacle enlevant après quoi, ils vont se coucher chez la veuve, comme de raison. Au lendemain, Jeannine n’a que l’envie de brailler à cause du trou financier qu’elle devrait expliquer aux membres du comité, qui ne sont pas de nature à faire des cadeaux financièrement. Ils sont à leur affaire. Un manque à gagner de 595$. Au lendemain, M. Labrecque demande s’il serait possible d’aller à la pêche. Elle déniche M. Jubinville pour les conduire et passer la journée avec eux. Lorsqu’ils reviennent, la veuve et sa fille doivent arranger le poisson pour servir leurs hôtes qui couchent un deuxième soir. Tous les jours suivants, ils repartent à la pêche et ne parlent plus du tout de repartir. Ça devient un problème de plus pour Jeannine.
Un bon jour, Jacques Labrecque annonce qu’il a trop d’agrément à Béarn. Il contacte sa conjointe de Québec pour qu’elle vienne les rejoindre pour quelques jours. C’est trop pour Jeannine. La vedette qui se paye des largesses au frais de la Reine, après un spectacle devant 5 personnes et qui ne comprend pas qu’il y a des maudites limites à respecter. Tout le monde commence à en avoir leur voyage et Jeannine en premier. Elle décide donc d’opter pour la manière douce, mais compliquée. En effet, elle va voir le médecin Morin que sa mère connaissait très bien pour lui demander d’élaborer un stratagème avec elle. En acceptant, il réserve une chambre d’hôpital pour elle et lui simule un papier d’une maladie soudaine et assez grave. Pendant ce temps, en fin d’après-midi, la veuve au resto reçoit ses invités (je devrais plutôt dire les tâches), en leur disant qu’ils devront repartir le lendemain parce que sa fille est malade et qu’elle n’aura donc plus d’aide pour s’occuper d’eux en plus des autres clients du restaurant. M. Labrecque désolé, dit qu’il comprend et il décide ensuite d’aller voir Jeannine à l’hôpital à Ville-Marie avec une boite de chocolat. Elle a joué le jeu jusqu’au bout en râlant un peu dans son lit. Le pire c’est qu’au moment de repartir, il ne restait aucun chocolat dans la boite. M. Labrecque les avait tous mangés. Le stratagème avait fonctionné. Au lendemain, la caravane est repartie pour Québec après quoi Jeannine devait se préparer à affronter le comité organisateur de la Saint-Jean-Baptiste pour rendre des comptes.
Elle a commencé à exposer son point quand tout à coup, tous les membres présents sont partis à rire. L’un d’eux a mentionné à Jeannine : « On le savait. On a envoyé quelqu’un à la salle qui a bien vu qu’il n’y avait de 5 personnes. Pour le reste, comme on sait aussi que tu as eu à endurer le groupe depuis une semaine, tu ne nous dois rien. On absorbe la dépense, Jeannine ».
Première chose à retenir : On a beau être recevant, quand la limite est dépassée, il devient normal de le faire savoir.
Deuxièmement : Si vous êtes trop gêné pour le dire et que vous endurez la situation, vous êtes peut-être en train d’effacer une dette ou d’accumuler un capital de sympathie sans même vous en rendre compte.
Troisièmement : Si vous êtes reçu aimablement à Béarn, ce n’est pas parce que le village est reconnu pour avoir été le dépôt de mélasse du secteur durant 30 ans que ça vous donne le droit de coller là comme une grosse tache brune sur le bras des gens de la place.
Dans un autre ordre d’idée, Jeannine et sa sœur, lorsqu’elles étaient jeunes, avaient beaucoup de latitude dans leurs jeux à cause de leur mère trop occupée aux fourneaux du restaurant qu’elle tenait avec grand succès. Un bon dimanche matin, Jeannine voit sur la table de chevet de sa mère une fiole d’eau de Cologne. Le couvercle sentait si bon que les fillettes ont décidé de descendre au restaurant pour en faire profiter aux clients. Elles y allaient allègrement d’un « spouche » sur la chemise de toutes les personnes rencontrées dans la place. Au bout d’un temps, leur mère les voyant faire, leur roulent des yeux noirs. Jeannine se dit en elle-même que sa mère est probablement trop « cheap » pour accepter de partager son eau de Cologne avec tout le monde. C’est alors que la bouteille fut presque vide que leur mère s’est finalement approchée d’eux pour leur dire d’arrêter net : « Les filles. Ne faites pas ça. C’est l’échantillon de mon urine que je dois aller porter au médecin cet après-midi ». C’est ce dimanche-là que la population presque entière de Béarn s’est retrouvée à la messe avec chacun un jackpot de pisse de la veuve sur leur chandail.
À propos du curé Lachapelle qu’on disait miraculeux, il faut aussi mentionner qu’il n’avait pas que ses beaux côtés. Pendant 40 ans, il a interdit aux gens de Béarn de danser. Comme les gens ne sont pas fous, soit ils dansaient dans les rangs, en sachant que le curé n’y venait jamais, soit ils bloquaient les fenêtres avec du papier journal puisque d’entendre la musique ne comptait pas… seul voir des danseurs valait des réprimandes, soit ils allaient danser à Lorrainville. Également, il a interdit aux femmes de porter des pantalons durant 40 ans. Même l’hiver, il fallait porter une robe ou une jupe. Comme les femmes ne sont pas folles, elles se passaient le mot quand venait le temps des vacances du curé deux semaines en juillet, quand il sortait de la région. Soudainement, les friperies se faisaient dévaliser et toutes les femmes arboraient les pantalons qu’elles souhaitaient porter. Quelques femmes servaient ensuite de sentinelles pour avertir les autres, quand le curé avait été vu à nouveau au Témiscamingue à son retour. À retenir : même si l’autorité interdit, la population saura contourner si elle juge l’interdit déraisonnable.
Le grand-père de la famille Robert était français d’origine et court sur pattes. Il a apporté avec lui des légumes à faire pousser que personne ne pensait possible de voir grandir en territoire témiscamien, notamment le brocoli. Son potager était fabuleux et suscitait la convoitise. D’ailleurs, nombreux étaient ceux qui achetaient ses légumes, dont la famille de Jeannine. Un bon jour, un citoyen s’est risqué à aller demander à sa douce le fameux truc de M. Robert pour faire un si beau potager. Elle a tout bonnement annoncé qu’à tous les matins, son mari vidait son pot de chambre sur ses légumes ! Par après, il est surprenamment resté avec des invendus.
Au moment de sa mort, les autorités ont demandé une autopsie sur le corps. Au village, nul n’a su les conclusions des médecins qui l’ont réalisé. Plusieurs pensent toutefois que le problème serait un liquide jaune aussi malodorant que ce qu’ils ont reçu un bon jour sur leur chemise, au restaurant, juste avant d’aller à la messe.
Finalement, je ne peux passer sous silence l’implication importante de Jeannine durant 4 ans au début des années 80 à la Commission des biens culturels du Québec. Elle était prêtée par la Commission scolaire du Témiscamingue pour aller évaluer tous les sites historiques en province, au sein de ce mouvement qui a vu apparaître presque tous les musées et centres d’interprétation qui compose notre offre touristique d’aujourd’hui dans notre région et ailleurs au Québec. Pour elle, ce fut une des implications les plus palpitantes qu’elle a vécues.





