Jeannette Gagnon, 83 ans

St-Mathieu-d'Harricana

« Oui, la petite fille surnommée “La corneille” est née au printemps 35. […] Mes parents étaient pauvres d’argent et de matériel, mais extrêmement riches de générosité et de vie. Maman donnait sa vie pour faire vivre et papa chantait sa vie en partageant tout ce qu’il possédait. Il riait de sa pauvreté d’argent et de matériel. Il était libre et il n’y avait rien pour lui arracher son trésor intérieur qu’était l’essentiel : l’amour pour ma mère et tous les siens »

« J’ai écrit ça dans les cours d’écriture avec Fernand Bellehumeur sur ma vision de mes parents. Mon père, en fait, c’était un grand amoureux. Pas rien qu’un vaillant de ses bras. Pis ma mère, il la laissait libre de faire ce qu’elle voulait pendant que toutes les autres femmes étaient enfermées dans la maison du temps où les hommes faisaient rouler tout. Ça suscitait la jalousie des autres femmes. Elle était belle fille et il n’était pas jaloux du tout de la voir passer seule en ville ou au village. Ma mère, elle ne faisait pas autre chose que d’en prendre soin. Ça en prend de l’amour pour prendre soin. Bien plus que pour coucher. Remarque que… l’un n’empêche pas l’autre! J’ai appris de ça, moi, dans ma vie. »

À l’exemple de son père et de sa mère qui n’aimaient pas les carcans et l’enfermement, Jeannette Gagnon était une femme libre. Libre de croire et de faire l’expérience de l’esprit dans la nature lorsqu’elle écrit : « En vivant aussi proche de la nature, j’ai goûté et puisé toute l’énergie qui est sortie de moi. » Libre de dénoncer le pouvoir de l’argent lorsqu’il dépasse les gens. Libre de dénoncer les dérives municipales ou écologiques qu’elle voit. Sa liberté ne l’empêche pas d’être en lien d’amour et d’affection avec ses proches au point de tenir un impressionnant mur mosaïque de photos découpées depuis des dizaines d’années dans son salon. Sa liberté lui donne de l’assurance et parfois elle dérange, même. Oui, la liberté contemporaine qu’on connaît dans nos sociétés modernes est, pour plusieurs, déboussolante au possible. Étourdissante de perte de repères dans la multitude des choix. Or, quand on a cherché partout et qu’on a trouvé des assises pour notre propre conception du monde, il se peut que la liberté soit la source d’une plus grande assurance. Jeannette en fait foi.