J-Y.Defoy, Y.Desharnais, A.Robichaud, J.Nadon, D.Chaumont-Langlois, A.Bernier-Gagnon

Amos

« – Y parait qu’on n’a jamais retrouvé le bonhomme Desrosiers parti pour un voyage de pêche à Saint-Maurice en 1955. Jamais. On dit qu’il s’est fait prendre par l’effet de succion en mettant le pied dans une “swamp”. Allez savoir.

– Mieux que ça : y parait qu’un écrasement d’avion dans les années 70 au nord de Matagami a très mal tourné.Trois des quatre passagers sont morts. Deux sur le coup. Un au bout de 3 jours. Pis l’autre a été retrouvée au bout de 15 jours avec un bras pis les deux jambes cassées. On voyait l’os. Ce qui lui a empêché de mourir, c’est que les vers mangeaient le pus de son infection au lieu de manger sa chair. Elle a survécu en buvant de l’eau de pluie avec un sac de couchage. Le gars qui l’a trouvé, elle lui a pris le mollet quand il est passé en face. Il a crié comme un perdu. Elle était boursouflée par les piqûres des mouches et le sang de sa fracture du crâne avait séché sur sa face, en plus de la bouette. Savez-vous quoi, ben cette femme-là, Lucienne B… elle est encore en vie et elle a vécu bien heureuse dans les années d’après.

– Y parait que l’ancien curé Dudemaine était bon pour retrouver des corps à l’aide d’un pendule pis d’une carte.

– Mais des dons, c’est pas juste les curés qui en ont. Oh que non!  Moi, j’ai connu un ramancheur de La Morandière qui était aussi sourcier en trouvant des sources avec une branche de noisetier. Pis il arrêtait le feu aussi. Pis il arrêtait le sang de couler aussi. Pis ça lui arrivait de pouvoir arrêter le mal de dents.

-Coudonc, il avait tous les dons lui!  Moi, en tout cas, j’ai toujours eu le don de porter chance à mon mari. Il m’a toujours dit : “Faut que tu viennes avec moi sur mes jobs. Sans ça, chu pas capable de bien travailler.” J’y portais chance, mais surtout je donnais souvent un coup de main comme premier “helper” sur des chantiers. Je faisais plein de choses qui aidaient la gang.

– Parlant de porter chance, dans notre temps, il y avait des “peddlers” (des vendeurs itinérants) qui passaient pis qui vendaient des porte-bonheurs. Pis y vendaient pas juste des porte-bonheurs, souvent c’était de la vaisselle incassable, du linge, des chaudrons, des remèdes miracles comme de l’onguent camphré, des machines à coudre ou encore les fameuses Encyclopédie de la jeunesse Grolier, pis les livres “Pays et Nations”.

– Ouin, souvent, c’était la seule chose à lire qu’on avait dans les maisons. C’était des livres vendus par les peddlers. Mais ce monde-là, même s’ils étaient habillés ben propre, souvent, ils étaient assez harcelants que, tant que tu n’achetais pas, y avaient un pied dans la porte. Des fois, c’était pas la peine d’aller dans les magasins, t’avais quasiment tout par les vendeurs à la porte.

– N’empêche qu’il fallait quand même travailler fort pour conserver des services importants dans les villages. Moi à Guyenne, je me suis battue pour garder l’école ouverte au début des années 80, au point où on a pris le contrôle nous-même de l’éducation publique de nos enfants. Des parents pratiquement bénévoles qui deviennent professeurs dans les classes pour qu’on garde le service durant 2 ans, ça ne s’est pas vu souvent ailleurs au Québec. Faut dire qu’on avait une mentalité coopérative à cause de l’histoire de la paroisse. Par contre, au début, c’était un coopératisme à la mode masculine uniquement avant que moi et certaines autres, on réussisse à forcer une ouverture pour l’implication des femmes dans la coop qui gérait le village.

-Dites-moi, vous tous qui êtes ici, si vous aviez à lancer une bouteille à la mer avec un message dedans qui serait destiné à des plus jeunes, sans savoir qui, qu’est-ce qu’on mériterait d’écrire comme message dans la bouteille?

-Appréciez la vie autant que je l’ai appréciée. Réalisez vos rêves et voyagez.

-La vie est faite de petit bonheur qu’il faut savoir apprécier.

-Faut s’appliquer à développer notre potentiel… et y croire.

-Je m’excuse d’avoir négligé la nature sans m’en préoccuper. Fait attention à ce qui te reste. »