
Ghyslain Bergeron, 75 ans
Val-d'Or (anciennement du Témiscamingue)Nos entreprises sont-elles florissantes dans la Vallée-de-l’Or? A-t-on plusieurs entreprises où les ressources humaines sont dirigées habilement? Les entreprises savent-elles ce dont elles ont besoin et se donnent-elles les moyens de prospérer? Les employés bien formés n’ont pas été au chômage très longtemps?
Ça nous prenait un Ghyslain Bergeron pendant 20 ans pour qu’aujourd’hui, on puisse répondre par « oui » à toutes ces questions.
Avec en poche un baccalauréat en sciences administratives, la force de la jeunesse de Ghyslain le pousse à appliquer sur un tout nouveau poste en 1975. Il fut embauché par la nouvelle Commission de formation professionnelle qui ouvrait à Val-d’Or, au même titre que les 16 autres en province. Il passe l’entrevue et… bingo! Il décroche l’emploi. Le hic, c’est que le poste est tellement neuf qu’il n’y a pour lui qu’un pupitre, une tablette de feuilles blanches et une description de tâches. On dit parfois que « le seul moment où les gars d’Abitibi-Témiscamingue baissent leurs bras c’est au moment où ils se retroussent les manches. » C’était le cas de Ghyslain, qui s’est mis à analyser les besoins de main-d’œuvre en nombre et en qualité, pour proposer ensuite des alternatives afin de répondre aux besoins. Il faut donc entretenir une relation chaude avec les entreprises qu’on se divise par secteur, dans le bureau. Selon les besoins de formation, Ghyslain fait des arrangements avec les Centres de formations professionnelles de la région. Quand ce n’est pas possible, il s’organise pour faire venir des formations temporaires sur 10 mois pour une série de travailleurs inscrits. Vous comprenez donc qu’il devient un allié de premier plan pour bien des hommes et femmes chefs d’entreprises qui prennent cette aide de l’État comme un beau cadeau. Cela augmente leur productivité et les assure de trouver pour encore longtemps un bassin de main-d’œuvre qualifiée fort utile pour le développement de prochains projets. Il fait comprendre à plusieurs patrons qu’il faut arrêter d’embaucher n’importe qui sur-le-champ sur le simple prétexte que c’est le cousin d’un bon employé. Dans ces cas, les déceptions sont fréquentes et le roulement de personnel amène à perdre un temps considérable et à former souvent inutilement une série d’employés qu’on met dehors à la première faute venue. Il faut donc bien sélectionner ses employés et faire passer des entrevues. Une fois qu’on sait qu’on a un bon candidat entre les mains, il faut apprendre à mieux communiquer nos besoins dans la shop, tout en gardant un ton positif qui sera gagnant pour tout le monde. Tant qu’à être rendu là, il faut apprendre à mener des réunions d’équipe.
De fil en aiguille, il a convaincu bon nombre de gestionnaires qui avaient appris leur métier sur le tas de devenir réellement des directeurs de ressources humaines. Au bout de trois ans de travail acharné, le bureau déborde de demandes. Le téléphone ne dérougit pas. Il faut grossir l’équipe à la hâte. Durant les temps de récession, il organise des comités de reclassement pour des masses de travailleurs maintenant sans emploi, mais qui pourraient, avec une formation d’appoint, se placer dans une autre entreprise dans leur ville. Indirectement, plusieurs familles n’ont donc pas quitté la région en temps de chômage grâce à lui et son équipe.
Vient ensuite la signature de l’entente fédérale-provinciale sur la main d’œuvre. Là, ça explose et ça devient tentaculaire. Dans cet emballant moment historique (qui n’est jamais revenu) d’aide multiforme aux entrepreneurs locaux, Ghyslain peut aller plus loin dans ses collaborations. Il supporte les projets d’expansion et de consolidation d’entreprise. Il élabore des diagnostics complets sur les 5 fonctions d’une entreprise pour aider les gestionnaires. Comme il le dit lui-même : « Quand tu interroges les gens, les changements commencent déjà à se faire. » Les entreprises qui jouissent ainsi d’un œil extérieur confidentiel et non menaçant grossissent, non seulement grâce à ses actions en main-d’œuvre, mais aussi suite à ses conseils qui peuvent aller jusqu’au plan de marketing. Ghyslain s’occupe surtout du secteur des mines et des communautés de Malartic, de Senneterre et de Quévillon, en plus de quelques dossiers à Val-d’Or. La communauté d’affaires le voit parfois comme un sauveur puisqu’il a même permis directement d’éviter des faillites par ses plans de restructurations.
Par exemple, il se souvient d’un cas où il établissait un diagnostic pour aider une entreprise en difficulté. En arrivant dans l’entrepôt, il pose des questions pour se rendre compte que c’est un fouillis incroyable et que des dizaines de milliers de dollars dorment là sans que personne ne sache ce qui s’y trouve. Il propose donc que des employés prennent quelques semaines à classer et inventorier toutes les pièces sur informatique, en plus de ne garder que ce qui est vraiment utile. Ensuite, l’entreprise devra attitrer un responsable des entrées et sorties de pièces de l’entrepôt, pour tenir la liste à jour et faire des commandes si nécessaire. Comme par magie, dans les mois suivants, l’entreprise prenait du mieux et des dizaines d’emplois ont été sauvés.
L’aventure de Ghyslain a terminé en 1995 avec sa retraite. Au tournant des années 2000, déjà les choses prenaient une autre allure. Les mandats ont changé, les organisations aussi, et les entreprises doivent souvent débourser dans le privé pour recevoir une part de cet aide aujourd’hui. Ghyslain a permis à la Vallée-de-l’Or de faire des pas de géants en peu de temps en matière de gestion des ressources humaines. C’est sans compter son apport sur d’autres plans, mais comme il le dit lui-même : « Je suis un employé envahi par l’énergie. Je n’ai pas vu le temps passer. »
Il a révolutionné la dynamique d’affaire de dizaines d’entreprises et le développement des compétences de milliers de personnes avec, entre les mains, un simple pupitre et un tas de feuilles blanches. C’est un des tours de magie les plus impressionnants que je connaisse.





