Fernand Germain, 91 ans

La Sarre

Fernand n’a été à l’école que durant 5 ans. Sachant tout juste lire, compter et écrire, son père qui était cultivateur avait besoin de lui et n’avait plus l’argent pour le faire instruire. Il a donc travaillé pour un vendeur de voitures, surtout au niveau de la peinture et du débosselage. Ensuite, il a travaillé pour Gérard Mercier, puis pour le Ministère des transports en Abitibi-Ouest. Les fins de semaine, en plus de son rôle de père et de mari, il s’est engagé comme policier spécial pour la Ville de La Sarre durant 22 ans. Un bon truc, quand la bataille pogne à trois contre trois dans un bar et qu’on commence à marcher dans les tessons de bouteilles et la broue, c’est d’aller voir trois des gars, les séparer et, tout en causant, leur proposer d’aller prendre une bière avec eux, dans un bar plus loin. Évidemment, les fêtards, se trouvant honorés de pouvoir fraterniser avec la police, acceptent sur-le-champ et embarquent dans la voiture de police. Rendu à l’autre bar, ils descendent et au moment de commander, Fernand leur dit qu’ils ont reçu un call de police et qu’ils doivent y aller. Les fêtards sont néanmoins séparés de l’autre bande d’assaillants et le reste de la soirée se déroule sans problèmes dans la ville, et sans que personne n’ait eu de contravention. Imaginez un peu les batailles durant les soirs où l’hôtel Chabot, le Saint-Louis et le Victoria faisaient venir une femme pour danser nue ! Dans ces cas, le truc de séparer les batailleurs est moins efficace. Par-dessus le marché, il fut pompier volontaire durant 32 ans. Il a éteint le feu du mythique l’hôtel Paquette qui a causé la mort de 2 malheureuses personnes et a sauvé d’une mort certaine une jeune femme asphyxiée par la fumée, obtenant ainsi une médaille de bravoure du Gouverneur général du Canada. Mais rien ne déclasse le souvenir triste et impérissable de l’incendie d’un bloc de trois étages, non loin du chemin de fer. Treize âmes innocentes y ont perdu la vie durant cette nuit-là. Fernand qui est si court sur pattes qu’il était face au bâtiment avec son boyau d’arrosage. Comme il dit : « Je n’ai pas un fond de culotte à l’épreuve des chiens. » Tout à coup, le mur de l’immeuble, au lieu de s’effondrer à l’intérieur du brasier, est tombé vers la rue, donc vers Fernand. Ce dernier, avec les yeux ronds comme des 25 cents et s’étant fait avertir par son collègue, avait reculé de trois pas. Quand le mur est tombé, en se lançant vers l’arrière, la rafale de vent lui a abrillé de neige, les jambes. S’il avait fallu qu’il naisse plus grand, il serait sans doute devenu à ce moment aussi petit qu’il l’est actuellement ! Aux funérailles qui ont suivi le tragique événement, il fut porteur d’un cercueil qui contenait trois jeunes dépouilles. Jusqu’à ses 80 ans, Fernand travaillait encore à temps plein, après avoir fondé et dirigé l’Association chasse et pêche du coin durant de nombreuses années, en plus d’une implication à l’Unité Domrémy et de la présidence du Centre de bénévolat d’Abitibi-Ouest, chassant la timidité à jamais. Parlant de chasse, c’est aujourd’hui avec une santé plus chancelante qu’il espère aller à son camp de chasse en 2019 pour tuer son dernier orignal à vie, à l’âge vénérable de 92 ans, et faire nommer son nom dans la revue « Sentier Chasse et Pêche ». Tout cela avec à peine 5 ans d’école primaire de complétée. Mais, 5 ans d’instruction valent mieux quand on prend le reste de sa vie à apprendre au contact des autres que d’être très instruit et de s’assoir sur notre savoir jusqu’à la fin de nos jours.