Emily Mowatt, 67 ans
PikoganLe gouvernement canadien, censé protéger les Premières Nations, en déclin important depuis 100 ans, a pris de force Emily, comme des milliers d’autres enfants autochtones, pour l’envoyer dans un pensionnat. Le but était de les assimiler: les médias en ont abondamment parlé, ces dernières années. Emily avait 7 ans: interdiction de parler leur langue, de pratiquer leurs coutumes, d’aller habiter avec leurs parents (sauf pour deux mois l’été) et apprentissage sévère d’un système trop rigoureux qui n’était pas le leur, sans parler des abus de certains religieux qui devaient s’en occuper.
« Comme les autres, j’ai vécu un traumatisme. J’ai été là de 7 à 13 ans. Dans les années suivantes, j’ai grandi et quand je me suis mariée et que j’ai eu des enfants, je faisais tout par obligation. Je me cherchais. Je n’étais pas complètement moi-même. Je me suis mariée et j’ai eu des enfants en me sentant comme cela. Mon changement, il est arrivé en 1981. J’ai été choisie à Pikogan pour aller en Saskatchewan, dans un rassemblement autochtone. J’avais 30 ans. J’avais peur de faire quelque chose contre Dieu, selon ce que m’avaient enseigné les religieux catholiques. Particulièrement la prière de lever du soleil me faisait peur. Quand une religieuse est venue me chercher au dernier matin pour qu’on y aille ensemble, j’ai accepté et quand j’ai assisté à cela, je me suis sentie toute détendue à l’intérieur de moi. On parlait ma langue là-bas. C’est comme si j’avais retrouvé mon identité perdue. À partir de ce moment-là, j’ai arrêté de me chercher et de faire tout ce que j’avais à faire par obligation. Je fais tout depuis ce jour-là d’une façon volontaire: je suis vraiment présente. Plus tard, j’ai voulu retourner avec mon mari vivre dans le bois avec nos enfants, pour qu’ils vivent le ressourcement qu’on vit à chaque fois qu’on part de la maison pour y aller. Mais j’avais peur qu’il arrive la même chose à mes enfants qu’à moi et qu’on vienne me les prendre. La vraie école, c’est dans le bois. On apprend plein d’affaires utiles. Et il ne faut pas oublier que les traumatismes qu’on vit, ils se transmettent sur 7 générations après. Pour aider les générations d’ensuite à ne pas vivre avec toute la colère qu’on a accumulé, il faut se guérir en acceptant d’aller chercher en dedans de nous. Aller vivre des longs moments dans le bois, ça aide beaucoup et il faut parler. J’aide plusieurs familles depuis quelques années à faire cela. On me consulte souvent et j’aime ça faire cela. Aujourd’hui, je prends ce que je veux de la religion catholique et de la spiritualité autochtone et je mélange cela ensemble, selon ce que je pense. Moi, je crois que le beau temps s’en vient pour les Anishnabe. »
Trouver la force d’aller chercher des réponses.
Allez à la recherche de son identité perdue, la trouver et l’intégrer jusqu’au bout de chaque membre de son corps.
Arrêter de survivre pour vivre enfin.
Vouloir apaiser sa colère intérieure pour libérer les 7 générations futures d’un fardeau trop lourd à porter.
L’accolade qu’elle m’a servie en entrant et en sortant de chez elle était si long, si plein d’une douceur apaisante que, les yeux fermés pour savourer ce relâchement instantané, gratuit et surprenant, je suis entré dans la certitude qu’elle disait vrai. Que les faux-semblants n’avaient plus aucune place dans sa vie. Il y a parfois des gestes simples qui disent tout… à ceux qui savent se présenter à cœur ouvert.





