« Bonjour les jeunes, il me fait plaisir d’être votre professeur de français pour votre 3e secondaire. Vous pouvez m’appeler “Milou”. C’est un vieux surnom que j’ai depuis qu’il y avait une autre Émilienne à Belleterre qui fut surnommée comme ça. On commence tout de suite par un devoir que je vous donne. Écrivez-moi une lettre. Vous pouvez m’écrire ce que vous voulez et je vous promets que cela restera entre vous et moi. »

Émilienne a reçu au fil des ans des centaines et des centaines de lettres d’adolescents en recherche de leur propre identité, le plus souvent en recherche d’un avenir meilleur et générateur de souhaits. Mais, elle l’affirme sans l’ombre d’un doute que ce qu’elle a lu le plus souvent, noir sur blanc, de la main même de ceux qui ont fait les années 70 et 80, c’est leur cher souhait de voir leurs parents séparés revenir ensemble. Malgré la reconstitution réussie de certaines familles, les déménagements, les points de non-retour et les promesses de mieux-être, les jeunes espéraient souvent que l’union qui les avait vus naître redevienne une réalité vibrante. Milou a conservé ces secrets murmurés entre les fines lignes bleues des pages griffonnées au crayon plomb pour les garder entre elle et eux. À 83 ans, elle philosophe sur la vie en y repensant. Quand on y pense, dans un petit milieu, savoir garder un secret, ça vaut tout l’or du monde pour celui cherche à dire ce qui ne se dit pas.

En quelque sorte, les adolescents avaient eux aussi besoin d’un père Noël généreux et miraculeux pour adresser leurs vœux alors qu’on les pensait maintenant loin de l’enfance. Ils auraient eu l’air fous sur les genoux du père Noël à 15 ans, les jambes trop longues, la voix cassée, à murmurer leurs vœux à la barbe blanche du bonhomme joufflu. Émilienne « Milou » Lefloïc fut donc, pour une génération, la mère Noël des adolescents. Si des parents séparés sont redevenus amoureux, croyez-en le hasard ou encore souriez à Émilienne lorsque vous la croiserez à Lorrainville prochainement.