
Daniel Beaulieu, 68 ans
Val-d'OrLorsque Daniel avait 15 ans, le professeur a demandé à la classe ce que chacun avait envie de faire plus tard dans la vie. L’un deux a dit « je veux être dentiste », un autre a dit « je veux être avocat. » Lorsque son tour est venu, Daniel répondit sérieusement, rempli d’une authenticité qui ne se démentira jamais : « Je veux être heureux et rendre les autres heureux. » Un adulte d’aujourd’hui trouve la réponse fascinante. Or, le drame du moment, c’est que toute la classe d’adolescents a ri de lui. L’entaille profonde dans son estime est encore toute près de l’épiderme. Le bizarre de la famille avait pourtant bien des atouts en poche. Tout l’intéresse. Il est autant intellectuel que manuel, et il est aussi artiste dans l’âme. Son intérêt pour les autres est dénué de jugement.
Rendu sur le marché du travail, il est vite surnommé « l’artiste du panneau » à l’usine Unibord, division Val-d’Or. Il écoute les employés parler de leurs problèmes, souvent bien personnels. Il peut lire bientôt la réelle personnalité des hommes en fond et en façade, mieux que les patrons. Il devient un outil de rendement puissant, avec subtilité, et il emploie bientôt son sens aigu de l’observation, pour ajuster des processus et proposer des améliorations sans arrière-pensées. Il se fait nommer responsable syndical à force de gagner la confiance des gars, mais en demeurant ouvert aux propositions des patrons. Le directeur des ressources humaines l’aide en retour à patenter une proposition efficace de fonds de pension qui tient la route et où les employés ne se feront pas flouer. Daniel devient vite le seul employé de l’atelier à parler de la pyramide de Maslow, mais ses propos ont vraiment de la portée. Au sein de négociations qui se furent plus ardues, on l’a une bonne année reconnue dans toute sa splendeur alors qu’il a convaincu les ouvriers sortant de l’usine après leur quart de travail de faire une marche non violente pour demander d’être bien traité dans l’usine. C’était sans le dire au chef syndical pour ne pas le mettre dans l’eau chaude.
C’était fait devant un journaliste de Radio-Nord qui a fait grand bruit avec cela et surtout devant un autobus d’investisseurs russes qui entraient dans la cour au même moment. Le grand patron, convaincu d’une grève qui venait de se déclencher, appelle en trombe les responsables de service pour se faire répondre : « non monsieur le patron, l’usine fonctionne très bien. Tout le monde est à son poste. » Eh oui, après quelques heures, c’était fini. Le message était passé et les négociations ont pris du mieux sans que personne n’en souffre. Depuis ce jour, quand des panneaux de particules et de mélamine sortent de l’usine de Val-d’Or, il y a un peu de « l’artiste du panneau » dans la fibre. Daniel a contribué à sa façon à rendre une usine plus efficace et heureuse en région par les humains qui la composent et, tout cela, dans le sourire et la non-violence. Son credo demeure : « ya rien comme l’écoute. Ensuite, c’est plus facile de se révéler. » Les élèves de sa classe de ses 15 ans ne sont pas tous devenus ceux qu’ils voulaient être, mais Daniel, lui, est heureux et il a rendu les autres heureux. Chapeau Daniel!





