Armande Ouellet, 70 ans

La Motte

Armande est détentrice d’un secret : qu’est-ce qui fait que les Ouellet rayonnent autant dans leur entourage et dans la région?

Tout se transmet !!

Voilà. C’est tout.

Bon, j’avoue vous devoir certaines explications supplémentaires, pour ceux qui trouvent qu’il y a des limites à raccourcir près de 20 trajectoires de vies sur trois générations. Trois mots, c’est un peu mince.

Quand la grand-mère au Lac-Saint-Jean est vu par les enfants comme la seule du village à lire le journal Le Devoir pour créer de la surchauffe de neurones qui l’ouvrira à comprendre le monde, éclairé par le fanal des vérités; ça se transmet.

Quand le paternel porte un regard contemplatif plein de couleur en kaléidoscope 360 degrés sur ce qui passe à sa portée de vue et qu’il en parle le soir venu; ça se transmet.

Quand ce même homme prend la plume et décide d’agir dans son village de La Motte où il est maire, pour poétiser les noms des chemins, répandant ses mots dans les bouches loquaces des centaines de résidents; ça se transmet.

Quand la mère se fait donner le nom prophétique de Graziella qui veut dire « gracieuse » en italien et qu’elle est marquée par les splendides Jardins de Métis dans le Bas-du-Fleuve; ça se transmet.

Quand cette même femme se décide à prendre les livres botaniques durant les mois noirs et à faire émerger du sol des milliers de pures beautés odorantes, durant les mois clairs; ça se transmet.

Quand la mère qui a 75 ans fait visiter ses jardins sublimes à des centaines de touristes heureux pour se rendre compte, accotée sur sa bêche, qu’ils viennent davantage pour chercher son humeur vitaminée que la simple observation des plantes; ça se transmet.

Quand la mère et le père ont tant pris de ce qui les environne pour survivre, puis vivre, réparer, créer et s’en imprégner jusqu’à en tapisser les murs de leurs âmes de ce réflexe; ça se transmet.

Quand les enfants vont incognito au « cran à Bélanger » se reprendre, par chaque été, à fermer un œil, langue sortie, pour mesurer et scier les planches de ce qui va devenir « la cabane des cabanes » les plus fabuleuses et qu’au tournant d’un âge bien mûr, ils se décident hardiment à se construire leurs propres maisons dans les veines desquelles court la poésie familiale; ça se transmet.

On donne ce qu’on reçoit par les gènes et les apprentissages. Toutefois, il importe de « jazzer » le tout à notre manière. Chaque génération a le devoir d’ajouter sa couleur et d’affiner le trait.